Eclairages bibliographiques
Paul Borrelli signe aux éditions de
l'Atalante des romans hallucinés et dérangeants. L'ombre du chat, paru en octobre
94, avait fait une entrée fracassante dans le petit monde de la SF. Remarqué par la
critique (Philippe Curval avait parlé de "chef-d'œuvre en puissance"), ce
texte foisonnant (345 pages), très noir, influencé principalement par James Ellroy et
Philip K. Dick, décrivait avec une grande précision un Marseille des années 2033
décalé et glauque, surpeuplé et livré à la corrosion des pluies acides. C'est dans ce
décor digne de Blade Runner que Borrelli, avec une belle maîtrise de l'écriture,
donnait vie à des personnages complexes, ambigus et tourmentés. Le commissaire Griffier,
hanté par le rapport narcissique qu'il entretient avec la verrue plantée sur sa narine
gauche "comme une balise" ; l'inspecteur-chef Canavese, brillant mais impulsif
et, comme tout macho, rongé par une homosexualité latente à la lisière de sa
conscience ; Serge Lançon, véritable héros de cette ambitieuse saga, marginal louche,
électronicien de génie qui utilise ses dons de concepteur à des fins meurtrières et
dont les rêves ont un caractère prémonitoire... Le roman, nerveux et fertile en
constructions baroques, avait fait forte impression.
En mars 97, Désordres venait prolonger la description fiévreuse du Marseille déliquescent que Borrelli explore avec un grand talent visionnaire. Ce second roman, encore plus épais (441 pages), jouait moins la carte du déphasage sensoriel pour se pencher davantage sur les turpitudes de l'âme. On y retrouvait les mêmes protagonistes en 2033, mais ce n'était pas une suite, le texte fonctionnait indépendamment. Dans ce récit extrêmement sombre, Borrelli décrivait les agissements d'un détraqué qui s'attaquait aux femmes blondes pour les scalper, les éviscérer, et leur projeter de la peinture rouge sur le visage… Canavese était sur la piste du tueur, mais rapidement on lui imposait la présence de Lançon, le sale type aux rêves prémonitoires et autres intuitions saisissantes... Ce point de départ était un prétexte à partir duquel Borrelli traitait sans complaisance les thèmes du sadomasochisme et du néo nazisme, dans un déluge de personnages tour à tour poignants, abjects, comiques ou tout simplement à la dérive.
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